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La barre olympique, un médicament puissant

by Jonathon Sullivan MD, PhD, SSC | August 19, 2018

barbell training is big medicine

Translated by Pierre Albrand

[French translation of "Barbell Training is Big Medicine"]

Ordonnance : Fontaine de Jouvence

Dernièrement, lors de mes gardes en tant que médecin urgentiste, mes pensées s’égarent aux abords des lits de mes patients. Je m’approche d’un patient venu pour des douleurs ou fatigues chroniques, une pression artérielle élevée, des essoufflements ou une glycémie hors de contrôle. Je me trouve confronté à un patient de 52 ans, largement en surpoids, sans condition physique, visant les 70 ans, avec des articulations malmenées, des muscles atrophiés, aucune réserve physiologique, l’incapacité de se lever de la civière sans gémir ou respirer fort et un avenir sombre. Quand je les ausculte, je ne trouve aucune urgence médicale, j’en viens à la conclusion de la « diastolinosité » - du diabète de type 2, de l’hypertension, un profil de lipide sanguin déplorable et de l’obésité.

Je me dis : si je pouvais vous mettre sous une barre de musculation, je pourrais changer votre vie.

Je finis par leur donner une leçon sur leur poids et leur tabagisme, leur fais une ordonnance pour des antalgiques, antihypertenseurs, diurétiques ou hypoglycémiants administrés par voie orale et les renvoie vers leur avenir sombre. Ces interventions immédiates sont nécessaires, mais ce que je souhaite vraiment faire, en tant que médecin et qu’être humain, c’est de modifier cet avenir, de les aider à retrouver une partie de leur ardeur juvénile, d’inverser l’atrophie et la dégénérescence de leur corps malade. Je veux les rendre plus forts, ou au moins leur montrer qu’il est possible de devenir plus fort et comment y arriver. Je veux leur faire une ordonnance pour des squats.

Je pense avoir trouvé la fontaine de jouvence, et elle coule d’une barre olympique.

J’ai à la fois un intérêt personnel et professionnel sur le vieillissement. Mon intérêt personnel est facile à comprendre : je vieillis. Je viens juste d’avoir 51 ans. Mes articulations grincent de plus en plus, mes cheveux deviennent grisonnants et il semblerait que j’ai besoin d’une nouvelle ordonnance chaque semaine pour mes lunettes de lecture. Mon système endocrinien n’est plus aussi vigoureux qu’avant. Mon métabolisme laissé à lui-même, préfère plutôt transformer les calories en graisse et poils d’oreilles qu’en muscles et os durs. Je travaille dur pour garder mon esprit actif et continuer d’apprendre, car pendant que je continue de créer des synapses dans mon cerveau, le nombre de neurones ne fera qu’y décliner. Mes meilleures années sont derrière moi. Il s’agit désormais de savoir comment vont se passer celles qui suivent.

Mon intérêt professionnel dans le vieillissement peut aussi sembler évident : mon travail consiste à m’occuper de personnes malades, et les personnes âgées ont tendance à tomber malade plus facilement et à succomber de leur maladie rapidement. Néanmoins mon intérêt va au-delà du cas clinique.

Jeux de malades avec le suicide cellulaire et les facteurs de croissance

Depuis 1995, je suis impliqué dans la recherche de l’ischémie cérébrale. Cela signifie que je cherche à savoir ce qu’il se passe au niveau du cerveau quand la circulation sanguine est interrompue, après un accident vasculaire cérébrale ou pendant un arrêt cardiaque. [1] Je me concentre sur les mécanismes moléculaires qui mènent à la mort ou à la survie des cellules cérébrales. Je ne suis pas particulièrement doué, chanceux ou même un scientifique influent. Je suis simplement un médecin urgentiste sans renom, mal financé, faisant de la recherche à temps partiel dans un laboratoire en sous-sol, bûchant dans mon coin sur un énorme problème : que se passe-t-il lorsque l’objet le plus complexe de l’univers devient malade, et comment le guérir ? Lors de cette entreprise utopiste, j’ai appris énormément sur comment les cellules décident de mourir.

C’est exact. Le plus souvent, les cellules décident de mourir. Ce n’est pas un processus passif, mais plutôt l’aboutissement d’un programme autodestructeur biomoléculaire élaboré appelé apoptose ou mort cellulaire programmée. [2,3] L’apoptose est cruciale aux formes de vie avancées et multicellulaires. Sans elle, le développement embryonnaire serait un désastre. Les virus se propageraient comme une trainée de poudre si les cellules n’étaient pas programmées à se sacrifier lorsque le bien commun est compromis. Et l’apoptose est l’une des défenses primaires du corps contre les transformations malignes et les cancers.

L’apoptose est abominablement complexe dans les détails, cependant il n’est pas difficile d’en décrire les grandes lignes. Il y a deux voies de base : extrinsèque ou intrinsèque. Lors l’apoptose extrinsèque, une autre cellule ou tissu envoie un message mortel, un message chimique qui est reçu par la cellule cible et lui dit de mourir. Lors du processus intrinsèque, un facteur de stress amène la centrale énergétique de la cellule, les mitochondries, à répandre une protéine appelée cytochrome c dans le cytoplasme. Imaginez un réacteur qui fuit – mauvaise nouvelle. Lorsque la cytochrome c suinte des mitochondries, elle déclenche une série complexe d’événements qui mène à l’apoptose. Dans les deux cas, extrinsèque et intrinsèque, la phase terminale de l’apoptose est menée à exécution par les protéases et nucléases – des protéines enzymatiques qui découpent les autres protéines et l’ADN. Ces enzymes démontent la cellule de façon ordonnée et font le ménage.

A un moment donné de l’apoptose, la cellule devient irrécupérable. Elle est, en un mot, morte. Lorsque les organites commencent à diminuer de taille et à disparaître, il n’y a plus beaucoup d’espoir pour la cellule. Et une fois que la cellule commence à découper son ADN, c’est comme si elle s’était tirée une balle dans la tête. Game over. Il doit être cependant noté que puisque l’apoptose n’est pas une dégradation passive, mais un programme moléculaire, elle doit être signalée, déclenchée, activée et exécutée, elle peut être modulée. Jusqu’à un certain point, l’apoptose peut être inhibée ou inversée, et la façon la plus efficace de le faire est par l’intermédiaire de la signalisation des facteurs de croissance. [4]

Les facteurs de croissance sont des hormones peptidiques comme l’hormone de croissance humaine (HGH), l’insuline, les facteurs de croissance ressemblant à l’insuline (IGF), les facteurs de croissance dérivés de l’endothélium (EDGF) et les facteurs de croissance des nerfs (NGF) parmi tant d’autres. Tout comme les stéroïdes anabolisants, ils induisent un effet trophique. A l’inverse des stéroïdes, les facteurs de croissance peptidiques agissent par l’intermédiaire des récepteurs de la membrane à la surface de la cellule, activant une cascade de signaux internes qui impulsent la croissance.

Mais les facteurs de croissance ne promeuvent pas seulement la croissance, ils promeuvent la survie cellulaire.

Par exemple, on peut soumettre des cellules en culture à un nombre de stimuli nocifs qui ne les tueront pas sur le coup, mais qui les pousseront à se suicider. De tels stimuli sont l’hypoxie, les radiations, les produits chimiques comme les céramides ou l’arachidonate, certains types d’infections virales ou une concentration importante en calcium ou en radicaux libres, pour n’en citer que quelques-uns. Les cellules activeront sur le champ leur programme autodestructeur, se ratatineront et mourront. Il est cependant possible de ralentir voire d’arrêter le programme d’apoptose en administrant à la culture un facteur de croissance, tel que de l’insuline ou l’IGF-1. Compte tenu de ces observations, les facteurs de croissance sont l’objet d’un examen approfondi en raison de leur potentiel à traiter un nombre de maladies dégénératives tenaces et dévastatrices, comme les attaques cardio-vasculaires.

Mais ce n’est pas tout. Si on prend des cellules en culture, qui se développent dans un sérum nutritif, et que l’on retire ce sérum, elles mourront, sans autre forme de procès. Pourquoi ? Car ce sérum contient des facteurs de croissance. Retirer la signalisation des facteurs de croissance est suffisant pour déclencher l’apoptose chez de nombreux types de cellules métazoaires. [4,6,7]

Une façon (quelque peu discutable) de voir cela est que ces cellules sont par défaut programmées non pas pour vivre, mais pour mourir. Si on retire la stimulation des facteurs de croissance, elles se suicident. Le processus de mort est là, attendant juste d’être activé. Les implications téléologiques, évolutionnaires et philosophiques de cette observation sont stupéfiantes… mais vont au-delà de la portée de cet article. Aujourd’hui nous discutons de vieillissement et de musculation avec une barre.

Apoptose et vieillissement : la Perspective Moléculaire.

L’apoptose classique et les autres formes d’autodestruction régulées par les cellules semblent jouer un rôle dans la biologie du vieillissement. [8,9,10,11,12] Au moment de la rédaction de cet article, de nombreuses preuves montrent que la mort programmée des cellules est un des mécanismes responsables de la dégénérescence neuronale, de l’atrophie musculaire, de la sarcopénie, de l’ostéopénie qui nous tombent dessus comme des vautours lors de la deuxième moitié de nos vies. Il y a, qui plus est, un intérêt grandissant dans l’utilisation de facteurs de croissance et d’autres stratégies anti-apoptoses pour retarder la perte de ces tissus-clés.

Prenons l’atrophie musculaire (perte de masse musculaire) et la sarcopénie (perte de cellules musculaires) par exemple. La perte de muscle est endémique chez les gens âgés, et prédit la fragilité, la maladie, la perte d’indépendance, les blessures et la mortalité toutes causes confondues. [14] La conséquence sur les coûts des soins de santé est significative et la conséquence sur la qualité de vie et la souffrance humaine est incommensurable.

L’apoptose des myocytes – le suicide des cellules musculaires – semble être une responsable clé dans l’atrophie musculaire et la sarcopénie vues chez les populations gériatriques et sédentaires. [14,15,16,17] Des niveaux importants de protéines pro-apoptotiques, comme des peptidases, ont été trouvés dans les muscles squelettiques atrophiés de rats âgés, et les myocytes de ces muscles montrent des changements apoptotiques, comme la fragmentation de l’ADN. Les données chez les humains, pourtant limitées, incriminent aussi l’apoptose des myocytes comme centrale dans la perte musculaire. Par exemple, les sujets humains plus âgés montrent un grand nombre de noyaux de cellules musculaires apoptotiques comparés aux sujets témoins. [18]

La perte de masse musculaire liée à l’âge suit le déclin des facteurs trophiques, incluant les stéroïdes anabolisants et les hormones peptidiques de croissance. Par exemple, les taux de IGF-1 chutent avec un âge avancé, et de faibles taux de IGF-1 sont considérés comme la cause de la perte de force et de masse musculaire qui gagnent du terrain avec l’âge. Réciproquement, les facteurs de croissance tels que l’IGF-1 entraînent l’hypertrophie des muscles squelettiques. [19] Des animaux transgéniques qui ont été génétiquement modifiés pour « surexprimer » l’IGF-1 montrent des pertes de fibres musculaires et de motoneurones limitées. Les individus âgés qui sont génétiquement prédisposés à fabriquer plus de IGF-1 semblent mieux performer sur des entrainements de musculation à la force. [20] Une étude de 2002 a observé une augmentation de force musculaire (et de masse osseuse) lorsque de l’IGF-1 était administrée à des femmes se remettant de fractures de hanches. [21]

Des observations comme celles-ci ont conduit à une explosion du nombre d’études examinant l’administration de facteurs de croissance chez les individus âgés. [13,22,23] Les résultats tendent vers une amélioration de la masse corporelle maigre, une baisse de graisse corporelle, quelques améliorations de lipides sériques et une augmentation de la force musculaire. Malheureusement, elles indiquent aussi une augmentation d’effets indésirables, comme de l’insulinorésistance, du diabète, de la gynécomastie, des douleurs articulaires et des gonflements. [23]

Le message à retenir ici est que, malgré le fait qu’il peut être tentant de prendre des facteurs trophiques comme des « suppléments » pour retarder le processus du vieillissement, et malgré le fait qu’il peut être bénéfique de le faire pour des populations plus âgées ayant des réponses hormonales émoussées, l’approche idéale est de produire nos propres facteurs trophiques, dans nos propres corps, aussi longtemps que possible, de façon à ce que les réponses soient physiologiques, régulées et saines.

Lorsque qu’on s’entraîne avec une barre olympique et qu’on mange correctement, on signale à notre corps qu’un environnement anabolique est nécessaire. Un environnement anabolique actionne les facteurs de croissance. Les facteurs de croissance brident l’apoptose. Et l’apoptose est partie intégrante du vieillissement.

Ceci est ma propre perspective moléculaire. Plus précisément, c’est une simplification grossière de la perspective moléculaire. Nous n’avons pas parlé du rôle du stress oxydatif, des fuites de calcium, du raccourcissement des télomères et d’autres processus qui semblent jouer un rôle dans la perte musculaire et le vieillissement. [24] Et bien sûr, beaucoup de ce qu’on pense connaître sur l’apoptose et le vieillissement est, comme tout modèle scientifique, provisoire. Il est important de noter qu’une minorité de scientifiques ne pense pas que l’IGF-1 sert de médiateur à l’hypertrophie induite par l’exercice. [25] Et l’atrophie par inactivité (atrophie non liée à l’âge résultant de l’immobilisation, de l’absence de contraintes liées au chargement ou de vols spatiaux) des muscles squelettiques semble emprunter des chemins autres que ceux de l’apoptose classique – même si, comme l’apoptose classique, ces voies alternatives correspondent toujours à des programmes régulés « autodestructeurs ».

Beaucoup de travail reste à faire sur le vieillissement, l’apoptose et l’atrophie musculaire. Mais j’ai donné cette perspective moléculaire car je souhaitais surtout soulever un point plus important. Je pense que la perspective macro est même plus éclairante. Je maintiens que l’apoptose ne se produit pas qu’au niveau cellulaire. Je pense qu’un processus autodestructeur a lieu à l’échelle de l’être humain, et comme l’apoptose cellulaire, il est accéléré par le vieillissement et aggravé par l’absence de stimulation trophique.

Appelez-le l’apoptose humaine.

L’apoptose humaine

Le vieillissement est caractérisé par la perte de force musculaire, de souplesse et de réserve physiologique capable de s’adapter, du fait de la sénescence des systèmes de croissance et de réparation, l’émoussement des réponses hormonales et l’atrophie des muscles, des nerfs, des tendons, des ligaments et des os. Cette atrophie physique est accompagnée par encore plus de déclins physiologiques mortels. Trop souvent, les personnes vieillissantes se rendent compte qu’elles deviennent plus faibles, revoient donc leurs attentes et efforts à la baisse et ainsi deviennent encore plus faibles. C’est l’analogie de la cellule découpant son propre ADN. Une fois que la psyché capitule face au déclin et à la mort, tout est terminé hormis la souffrance.

Comme l’autodestruction cellulaire, je pense que l’apoptose humaine a, à la fois, une dimension intrinsèque et extrinsèque. Heureusement, on observe une diminution des « signaux de mort » extrinsèques chez les personnes âgées, avec la reconnaissance grandissante qu’il est possible de rester en forme et actif pendant une bonne partie de nos vies prolongées. Toujours est-il qu’on dit encore aux personnes vieillissantes par le biais des stéréotypes culturels, de la télé, de la famille, des docteurs et d’autres « experts » qu’elles doivent y aller doucement, manger moins de viande, et, pour l’amour de Dieu, se comporter comme des gens de leur âge. Les signaux intrinsèques sont même pires : « Je suis gros. Je suis faible. Je ne vaux rien. Mes articulations me font mal. Et je suis trop vieux pour y faire quoi que ce soit. Où sont mes chips ? »

Ceci est un phénotype déjà très présent et de plus en plus fréquent du vieillissement en Amérique et dans d’autres pays industrialisés [27,28,29] : une vie infernale faite de faiblesse, d’obésité, d’inactivité, de rétrécissement des champs d’action, d’impuissance sexuelle et d’impuissance tout court, de diminution des attentes, de désespoir croissant, de médicaments onéreux s’ajoutant à une longue liste, de maladie et de douleur. « L’essentiel est fait à soixante ans »… ou cinquante. C’est vivre dans l’attente de mourir d’une infection cutanée, d’une fracture de hanche ou d’une thrombose, c’est d’avoir besoin de son petit fauteuil roulant électrique de merde pour aller ici et là, c’est d’être dans l’incapacité de torcher son propre cul, c’est de s’anesthésier à coups d’alcool, de cigarettes, de Plus belle la vie et de cacahouètes afin de ne pas faire face à sa triste existence, tel un Jabba le Hutt pourrissant lentement. Je vois cela tous les jours. On appelle ça la « vieillite ». Un jeu de mot, je suppose, mais de mauvais goût. Cette incarnation repoussante du vieillissement dérange la vue, les sentiments et l’esprit, et elle crie à la compassion et à la correction.

La musculation, et en particuliers l’entraînement à la force, est un facteur de croissance macroscopique, envoyant des signaux contraires à toute cette merde néfaste. Ceci n’est pas mon vœu pieux d’extrapoler ces phénomènes cellulaires à la sphère humaine. C’est une observation médicale, confortée étude après étude. La recherche sur des sujets âgés indique que l’entraînement musculaire améliore le fonctionnement global et la force [30,31], augmente la densité osseuse et l’adaptation proprioceptive [32], et améliore les profils métaboliques et le contrôle de la glycémie chez les patients ayant un diabète de type 2 [33]. Une étude marquante de 2008 sur presque 9000 hommes suivis pendant pratiquement 20 ans a montré que la force musculaire est inversement associée avec les décès toutes causes confondues, même après ajustement avec la forme physique et la santé cardiovasculaire. [34]

Ceci est l’entrainement à la force. Qu’en est-il de l’entrainement avec une barre olympique ? Comme pour tous les domaines de la science du sport, la recherche sur l’entrainement à la force chez les personnes âgées sous-représente l’entrainement à la barre olympique. Je postulerais cependant que les avantages bien connus de l’entrainement à la barre olympique seront amplifiés chez les populations âgées. Les exercices de base à la barre entraînent la plus grande quantité de tissu, par conséquent provoqueront les plus grandes réponses systémiques et locales, incluant l’élaboration de facteurs trophiques. Les squats, soulevés de terre et développés renforcent les mouvements fonctionnels – se lever, marcher, se redresser, se pencher, atteindre des objets - nous en sommes dépendants tous les jours et ils peuvent être un véritable défi pour les personnes âgées sans condition physique. Et puisque les exercices utilisant une barre n’isolent pas les articulations avec leurs tendons et ligaments associés sur des exécutions non-naturelles, à l’inverse des machines de musculation, on peut s’attendre à ce qu’ils soient beaucoup moins traumatisants pour des articulations vieilles et malmenées.

Pour finir, l’entrainement à la barre, comme tout autre médicament qu’on donnerait à une personne âgée, est dosable. C’est en fait plus subtilement dosable que la plupart des médicaments. Il peut être dosé exactement, selon les besoins du « patient ». Mais il y a une différence cruciale ici que je dois mentionner. A l’inverse d’autres médicaments, où une augmentation du dosage signifie que le patient devient de plus en plus malade, le patient de 70 ans dont « l’ordonnance » pour ses squats passe de 87,5 kg à 90 kg est en train d’améliorer sa santé et de devenir plus fort.

Ceci est le genre d’ordonnance que j’aimerais écrire.

Jusqu’à la dernière répétition

Dans un système (la personne âgée) dont le mode par défaut est de mourir, dont le signal de l’apoptose est en place et activé, l’entrainement à la barre signale la survie et la croissance. Il force les muscles à devenir plus forts et plus souples, aux tendons et ligaments à devenir plus épais, aux os à absorber le calcium et à bâtir de nouvelles matrices, à la kinesthésie de s’aligner avec le programme et au système endocrinien de se bouger le cul. Il annule la forme extrinsèque du signal de l’apoptose humaine : chaque vieillard de plus qui s’entraine avec une barre est une preuve vivante à l’encontre du stéréotype du sénior frêle, un exemple de ce que le vieillissement peut et devrait être. Mieux encore, l’entrainement bloque la forme intrinsèque du signal de l’apoptose humaine, en envoyant un message à notre matière grise gluante présente dans nos têtes que oui, on peut devenir plus fort.

Je ne parle pas là d’une panacée. L’entrainement à la barre ne ramènera pas votre cartilage, n’améliorera pas votre vue ou ne réduira pas la taille de votre prostate. Comme un neurone ou un lymphocyte peut être raisonné par un facteur de croissance peptidique, l’individu qui s’entraine avec une barre ne peut pas échapper indéfiniment à la mort et à la maladie. Et l’entrainement ne marchera pas pour tout le monde – certains individus seront trop affaiblis ou moribonds pour s’entrainer. Beaucoup n’en auront tout simplement pas la volonté – rester fort a un prix, et ce prix est le dur labeur. De nombreuses recherches sont nécessaires pour évaluer comment l’entrainement à la barre est le mieux adapté aux séniors, que ce soit en le couplant sans risque avec des suppléments de facteurs trophiques pour ceux ayant les réponses hormonales les plus émoussées, et quels sont les effets éventuels sur les paramètres psychosociaux, les taux d’hospitalisation, le déclin cognitif, la fonction sexuelle et les douleurs chroniques. La littérature scientifique manque cruellement d’études longitudinales significatives conduites avec des méthodes appropriées.

Avant que vous demandiez : il n’y a actuellement aucune preuve solide que l’entrainement à la force – ou tout autre forme d’exercice ou programme diététique – prolongera considérablement notre durée de vie. Cependant, la majorité des preuves scientifiques, aussi pauvres soient-elle, indique clairement que l’on peut changer la trajectoire de notre déclin. On peut récupérer des années fonctionnelles qui auraient été sinon perdues. Beaucoup de discussions ont lieu sur la « compression de la morbidité », un raccourcissement de la phase d’incapacité et de dépendance chez les personnes âgées. Au lieu de lentement devenir de plus en plus faible et malade tout en se rapprochant péniblement du gouffre, ce qui peut prendre des années voire des décennies d’enfer, on peut compresser notre mort dans une fine tranche de notre cycle de vie. Au lieu de réduire à petit feu en un tas atrophié de graisse malade, notre mort peut être comme une dernière répétition manquée à la fin d’une série de squats lourds. On peut rester fort et dynamique une bonne partie de nos dernières années, avant de succomber promptement de ce qui peut bien nous tuer. Fort jusqu’au bout.

Ceci, mes amis, est un médicament puissant.


English version

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