La musculation pour les âges avancés by Major Grant Broggi, SSC | November 23, 2021 Translated by Etienne Chaudron [French translation of Strength Training for Older Adults] J’ai beaucoup appris durant mes dix dernières années en tant que coach de musculation. J’ai d’abord commencé par entraîner des soldats, surtout des jeunes hommes entre 18 et 22 ans, avant de m’étendre au tout public, dans un premier temps dans mon garage et aujourd’hui dans deux clubs. J’ai observé de nombreux pratiquants soulever des poids qu’ils n’auraient jamais cru possibles, simplement en reproduisant les exercices du livre Starting Strength: Basic Barbell Training 3rd edition. J’ai emmené des athlètes en compétition, entraîné des joueurs de NFL et observé des athlètes tirer de grosses barres ; pourtant, parmi toutes les personnes que j’ai pu entraîner, ce sont les clients âgés qui m’apportent le plus de satisfaction. Cette population constate immédiatement une amélioration de qualité de vie et, à condition de s’y prendre correctement, leur vieillissement ralentit considérablement. Toutefois, même si ce sont eux qui en ont le plus besoin, il est très difficile de convaincre nos aînés de s’embarquer dans un programme de musculation. J’aimerais donc partager avec vous les leçons que j’ai tirées en entraînant des personnes de 60, 70, 80 ans et plus. Je commencerai avec Corki, une amie de 86 ans et je finirai par Earlene, une dame de 74 ans convaincue par ses enfants de venir s’entraîner. Je vous expliquerai comment j’ai réussi à leur faire soulever des barres et ce que nous avons accompli une fois cette étape franchie. Corki, 86 ans, patronne de sa broderie Corki est une patronne d’entreprise de 86 ans et une amie de ma famille. Sa broderie existe depuis plus de quarante ans et quatre jours dans la semaine, elle vient toujours la faire tourner. D’ailleurs, si vous avez une casquette The Strength Co., c’est Corki qui a cousu l’écusson. L’autre jour, en allant chercher une commande chez Corki, j’ai remarqué qu’elle avait un bleu au visage. Elle était récemment tombée et s’était cognée au visage, la mettant en arrêt pendant plusieurs semaines. Quand je lui ai demandé la raison de sa chute, sa réponse a été la même que connaissent ceux qui ont des proches âgés : « J’ai trébuché sur ci et ça, puis j’ai perdu l’équilibre ». Une chute est très couteuse pour une personne de plus de 80 ans. Non seulement le manque de force physique lui fait perdre l’équilibre et provoque sa chute, mais la personne se trouve incapable d’absorber l’impact de la chute. Avec une déperdition de masse musculaire, des tendons et ligaments plus faibles, et des os plus fragiles, le corps court un risque et une chute peut faire très peur.En discutant avec Corki, elle m’a confié qu’elle était en voie de guérison et contente de retourner au travail. Je lui ai conseillé la musculation pour gérer ses problèmes d’équilibre (et l’éviter de tomber). Elle a écouté ce conseil d’une oreille attentive, car sa chute l’avait empêché de travailler, elle qui entend bien continuer son affaire. Corki est donc venue s’entraîner. Les premiers pas Dans mes deux clubs, nous avons une approche très méthodique pour initier les débutants à la force. Nous leur apprenons le squat, le développé (militaire) et le soulevé de terre. Ces mouvements sont au cœur de la méthode Starting Strength, et il est important pour un débutant d’ancrer ces schémas moteurs dès la première séance. À 86 ans, quand Corki rentre pour la première fois au club, ce n’est pas comme lorsqu’un quarantenaire vient s’entraîner. Nous avons deux objectifs pour sa première séance : 1) trouver son niveau de force initial, et 2) la convaincre qu’elle peut gagner de la force. Le premier point est simple et nous y reviendrons par la suite. Le plus important est que Corki parte en sachant que même si elle démarre faible, elle peut s’améliorer et retrouver sa force en travaillant dur. L’une des façons dont nous évaluons quelqu’un comme Corki est de simplement la regarder rentrer dans le club. Ouvre-t-elle la porte avec énergie ? À quelle vitesse se déplace-t-elle ? Prend-elle un temps avant de s’asseoir sur un banc ? Fait-elle la grimace lorsqu’elle s’assoit ? Ces choses arrivent lorsque les gens prennent de l’âge et un seul phénomène en est la cause : la perte de force. En regardant Corki, j’examine son niveau de force afin de déterminer par quoi son entraînement devrait commencer. Les personnes âgées peuvent-elles faire du squat ? Avant de démarrer, Corki m’a indiqué qu’elle avait les genoux fragiles. Ce sentiment est largement partagé chez les pratiquants de plus de 60 ans, et particulièrement chez les plus de 70 et 80 ans. Ils développent souvent de l’arthrose, leur rappelant à chaque fois qu’ils mobilisent leurs genoux qu’ils ne sont plus aussi jeunes qu’avant. Pour cette raison, je ne les démarre généralement pas sur le squat. Bien que j’aie toujours l’intention de l’ajouter en bout de course. Je me suis rendu compte qu’il valait mieux que les premières séances restent simples, et que le pratiquant sente qu’il a accompli quelque chose, plutôt que d’essayer trop de mouvements. Je démarre généralement un client âgé et déconditionné sur un Rack Pull (soulevé de terre barre surélevée), voire un soulevé de terre s’il a assez de force et d’amplitude articulaire pour tirer une barre de 15 kg du sol. Le soulevé de terre est un exercice phénoménal pour développer de la force et il est facile à reproduire par une personne âgée. Si la personne manque de force pour tirer la barre, le Rack Pull offre la même mécanique que le soulevé de terre, mais en démarrant avec la barre plus haute, ce qui diminue l’amplitude et facilite l’extension du bas du dos (dos plat). Avec Corki, nous avons commencé par un Rack Pull de 7 kg au-dessus du genou, avec un redressement complet au verrouillage. Nous nous sommes reposés quelques minutes entre les séries, et c’est tout. À partir de là, la suite irait de soi. L’objectif des séances suivantes serait de rapprocher lentement la barre du sol jusqu’à pouvoir réaliser un soulevé de terre. Parfois, cela arrive en quelques séances, parfois en quelques semaines, d’autres fois en quelques mois. Tout dépend du niveau d’entraînement du pratiquant, de son assiduité et son désir de s’améliorer. À la première séance, il faut éviter un surplus de volume. Si le pratiquant est complètement déconditionné, il aura du mal à tolérer davantage que 3 séries de 5 reps (échauffements inclus). Même si le poids est léger et que le travail semble trop facile, mieux vaut rester prudent. Une fois que la barre est au sol, la véritable progression peut démarrer. Les pratiquants âgés semblent bien réagir à une fréquence d’entraînement de deux fois par semaine. En outre, des ajouts de poids de 0,5 kg à 1,5 kg sont parfaits pour les pratiquants très déconditionnés. Soyez patients, renforcez leur confiance, montrez-leur qu’ils progressent de semaine en semaine, même s’ils le sentent bien. Corki est passée d’un Rack Pull de 7 kg à un soulevé de terre de 45 kg en quelques six mois. Earlene, 70 ans, amatrice de Pilates J’ai mentionné à de nombreuses reprises que j’avais réussi à faire soulever des poids à mes parents. Alors, quand d’autres enfants essayent d’en faire autant, je les écoute sérieusement. Il y a quelques semaines, j’ai reçu le coup de fil d’un chirurgien à San Diego. Lui et sa femme, également chirurgienne, avaient découvert le livre Starting Strength et commençaient à s’entraîner. Il m’a parlé de son entraînement et souhaitait venir à notre cours d’introduction aux barres libres. Vers la fin de la discussion, il m’a demandé : « Est-ce que vous travaillez avec des gens de 70 ans ? ». Je lui ai répondu positivement et il a ajouté qu’il voulait que sa mère vienne s’entraîner. Elle avait 74 ans, un poids équilibré, assidue au cours de Pilates, mais elle voyait que sa force commençait à se détériorer. Il m’a dit qu’elle n’était pas opposée à la musculation, mais qu’elle n’était pas convaincue. Après avoir demandé au fils où elle habitait, j’ai constaté qu’elle était à 15 minutes du club. Je lui ai proposé qu’elle les accompagne pendant leur entraînement pour « voir ce que c’est ». Sans qu’elle soit forcée de soulever des poids ou faire de l’exercice, elle pourrait visiter l’établissement et les regarder s’entraîner. Ce qu’elle a accepté. Le plus dur est souvent de faire franchir la porte aux gens. Mais une fois qu’ils commencent à s’entraîner et qu’ils en constatent les bénéfices, le plus dur devient de les faire partir à la fin d’une séance. Mon approche avec sa mère a donc été de lui faire franchir la porte, sans engagement, simplement pour voir de quoi il s’agissait. Le jour où Earlene est venue, je voyais bien que le club l’effrayait. Elle qui était menue, les barres paraissaient immenses et les poids devaient lui paraître insurmontables. Mais en observant nos coachs guider son fils et sa belle-fille, elle a pu constater qu’ils démarraient par un squat sans la barre, puis barre à vide, et que tout était surveillé et sous contrôle. Pendant que les coachs s’occupaient de ses enfants, je suis allé lui parler. Je lui ai demandé si elle avait des douleurs. Elle m’a répondu qu’elle en avait eu au niveau sacro-iliaque par le passé, conduisant à un mal de dos, voire à des douleurs dans la jambe. Elle a entrepris un régime alimentaire strict qui l’a aidé, mais pas sur le plan de la force physique. Nous avons continué d’observer ses enfants et tandis qu’ils finissaient leur série de développé, je lui ai demandé de me suivre au fond de la salle. Durant notre conversation, j’ai agencé du matériel pour préparer un Rack Pull, puis je lui ai proposé de faire l’exercice. « Je peux soulever ça, tu penses ? » « Oui. », lui ai-je rétorqué. Elle s’est penché par la taille et a remonté la barre à vide cinq fois le long de ses jambes. Elle l’a reposée, a souri, puis s’est exclamée : « C’est vrai que j’y arrive ! ». Nous avons repris contact une semaine après et la voilà rendue à son premier mois d’entraînement. Son soulevé de terre est de 25 kg, son développé est de 12,5 kg et cette semaine elle a commencé le squat avec une barre à 7 kg. Aussi, elle ne fait plus de séances individuelles avec moi, mais elle s’entraîne en cours collectifs avec des pratiquants de tous âges. Elle est apte. Elle devient forte. Vous n’avez pas besoin d’être coach Ces histoires n’ont rien d’extraordinaire – je ne suis pas un « magicien de l’haltère ». Il est certes difficile de convaincre nos aînés, mais c’est faisable. Il faut éviter l’argument d’autorité « tu dois faire du soulevé de terre » ; il est plus convaincant de leur montrer les dégâts de l’atrophie musculaire par des exemples concrets. J’ai évalué Corki et Earlene exactement de la même façon que ma propre grand-mère. Vous n’êtes peut-être pas coach, mais vous êtes sûrement un enfant ou un petit-enfant attentionné. Et si c’est le cas, mon expérience me dit que vous souhaitez que vos aînés vivent encore longtemps. Or, la force physique compte beaucoup là-dedans. En observant leurs mouvements, vous pourrez leur montrer que des gains de force les aideraient beaucoup dans leurs activités quotidiennes. L’âge affaiblit l’individu, sauf à lutter contre ses effets. Je suis content pour ces dames et je suis désireux de continuer à les rendre plus fortes. English version